Les deux tours pigeonniers de Castelnuovo sont particulières en ce qu'elles sont ornées de merlons (créneaux) et à être « sur pied », c’est-à-dire, elles sont indépendantes et ne sont pas intégrées totalement dans un autre bâtiment.
Dans cette région, qui était sous l’influence du droit romain, le fait de posséder un pigeonnier n’était pas réservé aux seuls seigneurs. Par contre, seuls les seigneurs pouvaient construire leur tour avec un parapet crénelé (d’apparence militaire) et l’édifier sur pied, indépendante des autres constructions.
L'élevage des pigeons
La tour située au nord compte environ 200 boulins (nids). Celle du sud, qui vient d’être reconstruite, en comptait probablement le même nombre. Les boulins sont occupés au deux-tiers seulement (3 boulins pour 2 couples de pigeons) car les couples aiment changer de place avec chaque couvée. Ainsi :
- La capacité de chaque tour était d’environ 270 pigeons.
- En raison de 2kg de colombine (engrais) par an et par pigeon, ils produisaient 540 kg de colombine par an (soit 1 tonne pour les deux tours !)
- Toutes les 5 semaines de mars à septembre, un couple pond 2 œufs.
La tour au midi, récemment reconstruite
La tour originelle a été démolie vers 1899 car elle était devenue instable suite à des coups de foudre. Les pierres ont été réutilisées pour la rénovation de la chapelle St Joseph située à proximité immédiate. Heureusement, nous disposons d'une photographie de l'ancienne tour avec les deux bâtiments attenants, qui a permis aux bénévoles de les reconstruire à l'identique.
La foudre a frappé 3 fois !
J.B. Martel (p.448) évoque 3 épisodes de foudre qui ont frappé la maison et la grange attenantes à la tour :
- en 1871, la foudre incendia la grange attenante à la maison des Constantin
- le 23 août 1876, dans ladite maison, Marguerite MARI née CAMOUS meurt frappée par la foudre, âgée de 32 ans
- le 6 août 1906, sur la maison tomba la foudre pendant que 6 personnes s’y trouvaient à l’intérieur. Elles s’enfuient indemnes, mais la maison fut détruite.
La tour et la maison attenante sont donc restées en ruines depuis 1906. Des bénévoles, menés par Edmond Mari, le maire de Châteauneuf Villevieille, ont terminé la reconstruction de la tour en octobre 2021. En raison du Covid, l’inauguration a été reportée au 30 septembre 2023.
Les propriétaires et occupants successifs
Les deux tours ont peut-être été dans la famille Constantin depuis 1636, date à laquelle la commune a vendu aux seigneurs Constantin, Truccu et Capello diverses parts de juridiction et revenus, ainsi que les bandites et les moulins.
Il est à noter que ni l’acte de vente de 1636, ni un autre document important, La Reconnaissance de la Commune (1559) ne mentionnent des tours pigeonniers – mais seulement « une grande tour ».
Acte du 28 janvier 1882 aux termes duquel Auguste de Constantin de Châteauneuf (déjà propriétaire de la tour au nord) achète la tour auprès de ses cousines, « avec tous les immeubles par destination qui en dépendent, tels que semences, vaches, bœufs et un âne ». Les propriétés vendues sont exploitées par des fermiers à moitié fruits ; et les pâturages dits bandites sont données à bail jusqu’au moi de mai de l’année 1885, au Sieur Antoine SERRATORE, berger demeurant à Tende (Italie) , moyennant un loyer de 525 francs par an. Il est à noter que dans le recensement de 1896, nous retrouvons la famille SERRATORE installée en qualité de bergers à la Ferme de la Sauréa (23 habitants, dont 8 bergers, y sont recensés).
Tous les biens de la famille Constantin ont été vendus en 1909 à M. Charles Debenardi, administrateur délégué de la société Martini et Rossi. Après 2 autres ventes successives, c’est Mme Lebrocquy épouse Harrison qui se porte acquéreur en 1951. En 1994, sa fille, Maureen Harrison, hérite les biens de sa mère qui, en 2015, cède gratuitement à la commune la parcelle sur laquelle était construite la tour et la maison et grange attenantes.
La Tour au Nord
Cette tour est intéressante en raison de son parapet crénelé, dont les merlons présentent deux pointes (Guilloteau 2012). Ce style rappelle celui des merlons guelfes, signe politique caractéristique des partisans des guelfes qui soutenait le pape et étaient opposés aux gibelins qui soutenaient l’Empereur du Saint-Empire Romain pendant les XIII et XIV siècles. La famille Grimaldi - ainsi que la ville de Nice - étaient ralliés au parti des Guelfes, et l’on retrouve des merlons similaires à ceux de la tour au nord sur le Château Grimaldi à Cagnes sur Mer, propriété des Grimaldi d’Antibes jusqu’à la Révolution.
Un membre des 5 branches de la famille Grimaldi, Antoine Grimaldi, a été seigneur de Châteauneuf de 1448 à 1465 environ (JBM p 211), mais il est impossible de savoir si la famille Grimaldi a fait construire la tour. Cependant, l’emploi du signe politique des guelfes peut être considéré comme un hommage de ses propriétaires aux Grimaldi et à la ville de Nice, à laquelle la tour fait fièrement face.
Il faut vérifier si la tour pigeonnier et la tour dite « de Biglion » sont une seule et même bâtisse. La tour de Biglion est décrite comme étant « une grande tour située dans la citadelle, confinant à la maison du seigneur Trucco et celle du seigneur Capello, et au chemin ». En 1559, alors qu’elle appartenait au Duc de Savoie, « la partie inférieure servait de prison. Au sommet, une chambre abritait un gardien en tems de guerre » (JBM p. 285).